Dans le cadre de la campagne #HagurukaContreVBG, le consortium Journal Shikiriza–Abasamandari ASBL décide d’innover. Une marionnette d’une femme est utilisée pour sensibiliser la population de la zone urbaine de Kamenge contre les Violences basées sur le genre (VBG). Une parade de cette marionnette, effectuée ce 29 décembre 2023, fut un moment de plaisir, d’émotion et d’apprentissage mêlé surtout des surprises et des questionnements sur ce personnage non familier à Bujumbura, Burundi.
Il est 14h06. Le soleil peine à quitter Bujumbura vers l’Est de la RDC où se situe le lac Tanganyika. Les jeunes issus des organisations des jeunes (Abasamandari ASBL et le Journal Shikiriza) se débarquent, au bord de deux taxis, dans la zone Kamenge (zone plus populaire du Nord de la capitale économique du Burundi, Bujumbura), commune urbaine de Ntahangwa.
Les citadins se pressent à aller acheter les différents articles des fêtes de fin d’année.
Soudain, un personnage étrange commence à gambader dans les différentes principales rues goudronnées de la zone.
Certains sont ébahis, d’autres sont tellement émus. « Qu’est-ce que c’est ? », plus d’un se demandent sans réponse.
A l’intérieur de ce personnage dont la taille dépasse celle d’une personne normale, un haut-parleur fait retentir des chansons qui célèbrent la bravoure de la femme tant burundaise que celle d’ailleurs. Certaines d’autres dénoncent les violences basées sur le genre et surtout les violences faites aux femmes et aux filles.
Certains citoyens commencent à oublier même où ils s’en vont. Ils suivent petit à petit là où ce personnage étrange va pour le découvrir.
Le coordinateur de cette activité oblige un petit arrêt de cette parade du « monstre des fêtes de fin d’année », comme certains des spectateurs l’ont baptisé, et tente à expliquer, de quoi il s’agit, à ceux qui assistent à ces démonstrations de cet ‘être non familier dans les rues de Kamenge’.
« Ceci à laquelle vous êtes en train d’assister est une marionnette. Cette dernière n’est qu’un personnage artistique d’un art de sensibilisation par excellence. Une innovation au Burundi mais présente ailleurs comme en Afrique de l’ouest et dans d’autres continents du monde. Cette marionnette a été choisie au cours de notre projet ‘HagurukaContreVBG (Levons nous contre les VBG)’ pour nous aider à porter très loin notre voix contre les VBG. Comme certains d’entre vous le connaissent ; du 25 novembre au 10 décembre de chaque année, nous faisons une campagne de 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre pour s’inscrire en faux contre cette pratique ignoble des violences basées sur le genre et tous ceux qui le font. Nous vous invitons donc à suivre et à observer attentivement tous ces messages que la marionnette vous transmet. N’hésitez pas aussi à aller partager ces messages de paix à vos proches pour que nous tous puissions contribuer à l’éradication des VBGs dans nos différentes communautés respectives », explique Thibilisse Nkurunziza, Coordinateur du projet « Haguruka contre les VBG », à haute voix en s’adressant à la population présente.
Et d’ajouter, « Ces chansons qui exaltent la bravoure des femmes et ces slams déclamés par la marionnette en faveur des femmes et contre les VBG regorgent tant des conseils, pour nous tous, qui vont sans doute nous aider. Leurs messages nous rappellent que les femmes et filles, souvent victimes de ces violences basées sur le genre, ont, comme les hommes, des droits à respecter. Elles sont aussi des acteurs clés pour le développement, l’inclusion socio-économique et le fondement irremplaçable de notre société. Nous sommes donc tous appelés à les respecter et à les soutenir ».
Plusieurs sont convaincus d’autres restent pour un certain temps ébahis. Ils continuent à suivre de près tous les gestes de la marionnette.
Réaction de la population face aux démonstrations de la marionnette
Certains commerçants et clients du marché Kamenge sortent pour aller voir l’étrange dans leurs environs
« Cet art est vraiment au top. Il peut être utilisé pour faire connaître ce que les gens font ou ce que les gens vendent. Voilà comment tous les citadins de Kamenge viennent assister à ce qu’elle fait ! Même ceux qui sont dans le marché courent pour venir voir ce qui s’est passé », fait entendre un des spectateurs de la marionnette.
« Depuis que je suis arrivé dans cette ville, il y a plus de 30 ans, je n’avais jamais vu un tel personnage qui fait bouger beaucoup de monde comme celui-ci. Votre message va arriver sans doute très loin. Vous ne voyez pas que plusieurs personnes sont en train de prendre des photos et des vidéos de ce personnage étrange ? Elles sont tellement émues. Elles vont devoir les partager avec les leurs », indique un sexagénaire ému par cet art.
« Vous allez revenir quand? Ce jour-là j’aimerais venir aussi assister. Je viendrai main vide pour bien assister car je ne travaillerai pas ce jour-là pour me débarrasser tout ce qui peut m’empêcher à bien assister cette chose si. Elle est vraiment divertissante », demande un jeune commerçant ambulant qui porte des draps sur la tête.
«Je veux vous aider à porter ces pancartes contenant votre message », indique-t-il avec un air mêlé de la satisfaction et de surprise.
D’autres citadins préfèrent de n’en dire aucune chose. Ils n’arrivent pas à comprendre ce qu’une marionnette est réellement. Pour eux, ce personnage non familier n’est qu’un pur démon.
« Toka Shetani, toka Shetani, Kwa jina la Yesu. Fire, fire, fire,… (Pars Satan, Pars Satan, au nom de Jésus! Je t’en prie, quittes ici)» fait entendre une vielle dame à qui la marionnette passe à côté.
Pour les organisateurs, quoi de neuf ?
Parade d’une marionnette, prêchant la lutte contre les VBG, effectuée à Kamenge- Bujumbura-Burundi
« Je ne m’attendais pas à ce que les citadins de la ville viennent nombreux assister aux démonstrations du marionnette » , fait savoir Jean d’Arc Niyongabo, Président et Représentant légal de l’association Abasamandari.
« Pour moi, c’est un sentiment de satisfaction puisque le message que nous avions est bien arrivé à sa destination. C’est la toute première fois que nous amenons une marionnette géante et voilà, les citadins l’ont aimée. Je suis vraiment heureux », ajoute-t-il avec des sourires à lèvre.
« Nos objectifs ont été atteints à plus de 150%. Nous avons eu beaucoup des personnes que celles attendues. C’est un sentiment de satisfaction », indique Thibilisse Nkurunziza, le Coordinateur de la campagne #HagurukaContreVBG du consortium Journal Shikiriza-Abasamandari asbl, à la fin de la parade.
« On était dans le test. Mais, vous voyez que les citoyens de Bujumbura ont bien accueilli la marionnette. On va continuer à l’utiliser même pour d’autres causes. Je lance par ailleurs un appel vibrant aux différentes entreprises et ONGs qui ont de quoi à communiquer au grand public de nous contacter. Nous allons les aider à faire connaitre leurs marques, à sensibiliser la population et/ou à faire une mobilisation à l’aide d’une marionnette appropriée. C’est le début, ce n’est pas la fin. Le meilleur est à venir », conclut-il.
Pour rappel, #HagurukaContreVBG est une initiative qui a été initiée par le consortium Journal Shikiriza-Abasamandari asbl dans le cadre de la sensibilisation de la population, à travers les divers méthodologies et canaux, contre les violences basées sur le genre et surtout les violences faites aux femmes et filles. Ceci, dans le cadre de la campagne de 16 jours d’activisme contre les VBG, édition 2023.
[La marionnette géante utilisée a été conçue par le consortium Journal Shikiriza–Abasamandari asbl et avec l’appui technique de l’Unima Burundi et l’Unima Italie].