Cotisation à l’INSS : un fardeau pour les employeurs?

L’affiliation des employés par leurs employeurs dans des institutions ayant la protection sociale dans leurs attributions reste problématique au Burundi. Certains employeurs vont même jusqu’à menacer de renvoyer tous les employés qui osent en réclamer. Les employés sollicitent la rigueur des instances habilitées.

En Avril 2011, l’Etat a instauré une politique nationale pour étendre la couverture de la protection sociale à tous les employés. Néanmoins, les entreprises privées semblent ne pas adhérer aux normes recommandées. Quelques fois, les employés de ces entreprises font recours à des grèves répétitives pour revendiquer leurs cotisations dans des institutions ayant la sécurité sociale dans leurs attributions. D’autres ne sont plus même conscients de leurs droits en ce qui est de l’affiliation à ces institutions.

En 2020, dans le secteur public et privé, le nombre des employés était estimé à 212.248. Seuls les 38,1% de ceux-ci avaient des numéros d’affiliation alors que 61,9% n’en avaient pas. L’imbroglio persiste malgré les efforts inlassables fournis par l’Etat faisant appel aux institutions privées de cotiser pour leurs employés, comme prévu par le code du travail du Burundi, dans ses articles 93 et 29 en son alinéa 13.

Forcer l’employeur vers le formel

A titre illustratif, en date du 4 Juillet 2022, une lettre de préavis de grève a été dressée au manager d’une entreprise dénommée «Rainbow Angel», sous-traitante de la société de téléphonie mobile connue sous le nom de «Lumitel Burundi». Parmi tant de revendications fournies par les employés de cette entreprise figuraient la réclamation de la cotisation à l’INSS ainsi que les soucis liés aux cartes d’assurance maladies. L’employeur n’a pas répondu favorablement à ces doléances dans une durée de 10 jours qui lui avaient été donnés pour régler ses comptes. Les employés ont forcé l’employeur, allant jusqu’à arrêter les activités le 14 Juillet 2023 et quelques jours qui ont suivi. Les grévistes ont fait entendre qu’ils travaillaient depuis longtemps sans numéro d’affiliation à l’INSS alors qu’un employeur devrait déclarer ses employés à cette institution dans les 8 jours suivant la date de début de prestation.

Perdre son job ou revendiquer l’INSS ?

Dans une enquête faite par l’INSBU, ex-ISTEEBU, en 2020; 53,4% des personnes actives sont touchées par le sous-emploi au Burundi. Pour ce, certaines entreprises préfèrent semer la terreur aux employés de ne pas revendiquer l’affiliation à l’INSS, avançant que ceux à la recherche de l’emploi sont nombreux. Les autres font recours à l’exploitation des stagiaires et des bénévoles pour échapper aux obligations de la protection sociale.

*Bukuru Jimmy, un planton au sein d’une Organisation Non Gouvernementale à Bujumbura, nous a révélé qu’il travaille pendant plus de 10 ans sans le numéro d’affiliation dans des institutions ayant en charge la pension et la mutualité des employés. Il ne cache pas ses soucis et pense toujours au sort qui lui attend une fois qu’il partira pour sa retraite ou qu’il rencontrera un accident de travail.

C’est le même son de cloche pour *Aline, employée au sein d’une société de gardiennage «Ulinzi Kazi Company» ayant son siège à la capitale économique du Burundi.
Cette jeune femme rencontrée au centre-ville de Bujumbura à son poste d’affectation nous a indiqué que sa société ne cotise pas pour sa pension. Elle déplore également le retard du salaire qui peut aller jusqu’à 6 mois.

Le même cas touche N. *Aloys, employé depuis plus de 5 ans à l’un des hôtels de Bujumbura. Il précise qu’à part les cotisations à l’INSS, il travaille même sans contrat de travail écrit et dûment rempli pendant toute cette durée.

« Je ne vois pas clairement ce que je dois choisir entrer dénoncer mon employeur et garder mon job », déplore-t-il avec l’air confus.

La rigueur des instances habilitées peut-elle changer la donne ?

En date du 14 Septembre 2022, Mme Vestine Nahimana, présidente du Conseil National de la Communication, a obligé, à tous les médias,  la preuve de l’affiliation dans des institutions de la protection sociale de la population comme l’un des documents indispensables pour avoir accès à la carte de la presse.  C’était au cours d’une réunion avec les responsables des médias œuvrant au Burundi.

Plus d’un voient en cette décision un exemple qui devrait être imité par toutes les autres instances ayant le pouvoir de contraindre les employeurs à déclarer et à cotiser pour leurs employés dans des institutions en charge de la protection sociale. Ceux qui en pensent espèrent que cette décision peut avoir un impact positif à la sécurité sociale des employés pendant et après l’exercice de leurs fonctions.

*Les noms ont été modifiés pour question de sécurité de nos sources